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mercredi 4 mai 2011

Une autre analyse électorale


Drôle de lendemain de veille électorale pour le peuple canadien. Une majorité conservatrice sans l'appui du Québec qui a plutôt choisi de délaisser le Bloc au profit des néo-démocrates qui forment désormais l'opposition officielle.

Je dois vous avouer, ce fut toute qu'une soirée électorale, à laquelle j'ai assisté avec mon paternel, tous deux installés devant la télévision jusqu'aux petites heures du matin, juste assez pour voir le sourire éclatant de Jacky et la déconfiture de Gilles. J'ai malheureusement manqué le discours de Stephen Harper, je ne pourrai donc le commenter.

Examinons d'abord les impacts du vote canadien sur les divers partis... par ordre alphabétique :

Bloc québécois : 
Déconfiture totale pour Gilles Duceppe, le Bloc a pratiquement disparu. Le chef a démissionné, forcé par la défaite terrible du parti et par sa propre défaite au sein de son comté.

Comment peut-on expliquer cette situation ?
1) La longévité du Bloc québécois.
Les 20 ans du parti ont été ironiquement souligné au début de l'année. Ce parti, qui devait en être un de courte durée, jette ainsi la lumière sur sa situation paradoxale. La présence d'un parti souverainiste à Ottawa est assombri par un mouvement indépendantiste en attente d'un climat plus favorable. Le plongeon de Gilles Duceppe dans la course à la chefferie du PQ (plongeon vite annulé, l'eau était trop froide) a également jeté le doute sur l'implication du chef à son parti. Pendant plusieurs années, le questionnement sur l'existence du parti a été retardé par les scandales (commandites et coupures à la culture), mais la dernière campagne lui en fournit peu à se mettre sous la dent.

2) La vision manichéenne du vote québécois.
Gilles Duceppe comptait sur le rejet d'Harper pour regagner des comtés. Un peu comme Michael Ignatieff dans le ROC, il se présentait comme l'unique opposition possible à Harper. En résumé, vous êtes avec Harper ou avec moi.

3) Le gardien des valeurs québécoises
Probablement la plus grande erreur de Gilles Duceppe, présumer que le citoyen moyen qui vote pour le Bloc est nécessairement un social-démocrate indépendantiste, et que les valeurs québécoises sont des valeurs sociales-démocrates indépendantistes. Ce qui a pour résultat que les sociaux-démocrates québécois pour qui la question nationale : soit ne les intéresse pas, soit qu'ils la réserve à la scène provinciale ou soit qu'ils sont fédéralistes ont voulu s'opposer au gouvernement Harper par une autre option. L'écart s'est agrandi lors de l'appui au parti par les acteurs du Parti Québécois et de la souveraineté, notamment par le discours de Gérald Larose. Quant aux indépendantistes de droite, s'ils n'ont pas déjà renoncé au Bloc, ils ont pu se sentir exclus du discours électoral de Gilles Duceppe. Le slogan : Parlons Québec et les nombreux discours dans lesquels Gilles Duceppe dit représenter les intérêts de tous les Québécois (et Québécoises) ont pu être ressentis de cette manière : Sans valeurs sociales-démocrates, je ne suis pas considéré comme un vrai Québécois.

4) L'impossible exercice du pouvoir
Avec le nombre de comtés du Bloc Québécois, il est condamné à une éternelle opposition, ce qui l'empêche de proposer des objectifs chiffrés sans mettre la lumière sur le fait qu'il ne pourra jamais gérer un budget fédéral.

La révolte contre le Bloc a été cinglante, trop dure selon les analystes, il reste que la leçon demeure la même, un vote n'est pas acquis.

Nouveau parti démocratique (NPD)
Jack Layton s'est réveillé hier matin avec le chant des oiseaux, des papillons ont voleté autour de sa tête, des écureuils l'ont aidé à s'habiller... mais avec une armure, car le chef du NPD a un lourd combat à mener.

Tout d'abord, il doit considérer le vote québécois dans son importance, puisque celui-ci représente la majorité des sièges, il devra donc être très prudent dans son discours et éviter les débats sur la question nationale. Il ne faut pas négliger que le NPD est un parti pan-canadien. Cependant, il pourra garder l'équilibre sur ce fil tendu par certaines précautions :
1) Parler français et anglais dans son discours en variant l'ordre d'utilisation.
2) Éviter de se prononcer sur la question nationale et sur l'indépendance du Québec
3) En favorisant les projets de loi favorables au Québec
4) En évitant le favoritisme envers le Québec ou le ROC  pour éviter une montée de lait d'un côté ou de l'autre

L'autre défi du NPD concerne le manque d'expérience de ses membres. La position actuelle du NPD (opposition officielle dans un gouvernement majoritaire) ne peut être plus favorable pour l'éducation des nouveaux députés. Ils ont quatre ans fermes pour parfaire leur éducation et pour prouver leur valeurs. Ils évitent ainsi le stress qui accompagne le choix ou non du renversement du gouvernement et les erreurs de débutant des premières années pourront se fondre dans l'oubli collectif d'ici quatre ans. Il leur reste à traverser le feu roulant des premières critiques, ce qui sommes toutes, n'est pas particulièrement plaisant. Les années verront apparaître de bons députés, des députés médiocres et des moyens comme dans tout bon parti. En cela, ils sont en bien meilleure position que ne l'était l'ADQ de Mario Dumont où l'opposition jouait un rôle clé dans un gouvernement minoritaire et où ce rôle fut assumé par des débutants.

Maintenant, pourquoi cette montée ?
1) Le côté sympathique de Jack Layton qui tranchait dans une campagne d'attaques personnelles et de propagandes.
2) L'envie de changement que l'on pourrait définir par : Pourquoi pas, on ne l'a pas essayé encore celui-là !
3) Il a été sous-estimé par les autres partis, ce qui fait qu'au moment où les attaques envers son parti ont débuté, la campagne était presque finie.
4) Sa maladie, pour la sympathie et pour le sentiment qu'il s'agissait de sa dernière campagne et que si on veut voter pour lui, c'est le moment ou jamais.

Parti conservateur
Stephen Harper a fait un enjeu électoral de sa majorité et il l'a obtenu sans l'aide du Québec. Déjà sa campagne ne cherchait plus à séduire notre province : appui à Terre-Neuve pour le projet électrique, position ferme et sans équivoque envers la question nationale. Il a également fait une campagne basée sur la propagande, les attaques personnelles et le dialogue ténu avec les médias. Dans les derniers milles, il a centré ses publicités sur l'économie et ses réalisations, ce qu'à mon avis, il aurait dû faire depuis le début.

Stephen Harper profite de sa situation de seul parti de droite au Canada depuis la fusion avec le Reform Party et l'Alliance canadienne. Les Canadiens de centre-droite et de droite sont divisés entre un parti de centre fortement affaibli par les scandales et une succession de chefs sur une courte durée ou le parti conservateur.

Pour jeter un peu d'eau sur le feu il est bon de déboulonner trois mythes sur les conservateurs :
1) Le parti est majoritaire parce que les Québécois ont tourné le dos au Bloc
Le parti conservateur a perdu 5 sièges au Québec (peut-être même 6 si on suit le recomptage dans le comté de M. Généreux). S'il est majoritaire, c'est grâce au comtés gagnés dans l'Ontario principalement dans la Great Toronto Area où les libéraux ont mangé la claque. La question maintenant sera de savoir le traitement réservé au Québec dans les prochaines années.

2) Tous les gens qui ont voté conservateur approuvent la mentalité pro-guerre, pro-vie (.), pro-armes, pro-pétrole, etc.
Un vote conservateur peut souvent se résumer par un vote pour une économie de droite.

3) L'opposition sera inutile face à un gouvernement conservateur qui a maintenant le champ libre pour faire passer toutes ses lois.
D'abord, le gouvernement conservateur gouvernait déjà avec une mentalité majoritaire puisque l'opposition libérale était fortement affaiblie. Maintenant, le Parlement, bien que majoritaire, est divisé par une bipolarité gauche-droite, les deux partis se situant aux antipodes du spectre. Malgré la position du gouvernement, il ne faut pas négliger que la vraie opposition se trouve dans la population, qu'une loi fera monter les citoyens aux barricades, qu'un traitement injuste envers le Québec provoquera un renouveau de l'option souverainiste. C'est dans un gouvernement majoritaire que la population se doit de se tenir encore plus informée et s'il le faut, militante.

Parti libéral
La défaite de Michael Ignatieff fut dure à digérer, le chef a finalement démissionné de ses fonctions après un exercice très court de la chefferie. Quatre éléments peuvent expliquer sa défaite :
- Les attaques personnelles et la propagande conservatrice
- Malgré tous ses efforts et disons-le une bonne campagne près des gens, Michael Ignatieff n'a jamais réussi à  se débarrasser de son image d'intellectuel hors du vrai monde, et Dieu sait que cette image est la pire qu'un chef de parti puisse donner au Canada... à analyser.
- L'image générale du parti qui n'arrive pas à se débarrasser du spectre de la corruption et de la Constitution et qui n'arrive pas non plus à se rallier derrière un chef.
- Même problème que Duceppe, il se présentait comme l'unique option contre Stephen Harper, négligeant ainsi le NPD.

Il faudra un long purgatoire au Parti libéral pour renaître de ses cendres et un nouveau chef qui fera oublier les anciennes années du parti.

Voici donc mon analyse des résultats électoraux que malgré les opinions entendues de toutes parts, je n'arrive pas à trouver dramatiques. Je suis curieuse de la suite et quelques détails me font sourire :

1) Sans le chien de garde bloquiste, la question nationale reprend du galon et à mon avis, la place qui lui convient, au provincial. Depuis les dernières heures, la souveraineté a pris une place très importante dans les débats médiatiques. En même temps, le reste du Canada perçoit le rejet du Bloc comme une tentative de réconciliation et se montre optimiste envers nos relations, maintenant qu'un parti souverainiste ne chahutera plus au Parlement.

2) Les partis politiques ne peuvent plus prendre les votes pour acquis. Quand le peuple veut du changement, ben crime, il change et ce peut être douloureux.

3) Pendant les élections, le peuple rêve de changement, au lendemain des élections, il regrette le statu quo.

Quatre ans les amis, restons concernés.

1 commentaire:

  1. Wow, quelle analyse intéressante! Je suis assez d'accord, à part peut-être pour la non-déception: un parti conservateur majoritaire, ça fait pleurer. MAIS, c'est drôle à dire, mais c'est une réalité que le massif dos tourné au Bloc n'est pas une démission de la souveraineté... même que ça ranime la flamme chez plusieurs personnes de voir l'opposition massive québécoise à Harper... qui se fait élire majoritaire par le ROC! La fracture n'a jamais été aussi nette!
    Mais j'espère que ce vote plus important des jeunes est un beau début de génération politisée qui fera valoir ses droits... parce que pris en sablier entre les vieux et les bébés qu'il faudra faire, il va falloir les défendre nos droits!

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